Quand j’ai reçu ce mail, me proposant d’interviewer en tête à tête Madame Reha Hutin, présidente de la fondation 30 Millions d’Amis, je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse d’avoir la possibilité de poser des questions à quelqu’un.
Vous n’ignorez pas que la cause animale est un sujet qui me touche, à titre personnel. Je relaie des pétitions, news et articles que j’estime devoir être relayés, mais je me censure énormément et ne partage pas un dixième de ce que je vois passer, au quotidien. D’une part car trop d’information tue l’information et d’autre part car je risquerais de faire mal passer le message. Je tiens un blog « mode » et « lifestyle » (puisqu’il faut coller des étiquettes sur tout), mais cela ne me résume pas et ne dit pas qui je suis, ni les valeurs que je soutiens.
Aussi, peut-être que certain(e)s d’entre vous passeront leur chemin en comprenant que cet article ne sera pas axé sur un look ni sur une balade à vélo, mais cela m’importe tellement plus que de partager un peu de futilité, certes bien agréable !
Reha Hutin est une femme bavarde, pétillante, altruiste et classe. Elle n’a pas attendu mes questions pour commencer à me raconter des anecdotes de son quotidien qui va à 3000 à l’heure, ni ses combats pour les animaux. Hors interview, elle m’a parlé de Mabrouka, la mascotte berger allemand de l’émission de télé 30 Millions d’Amis, qui nous a quittés en 2006, ainsi que de tous ses animaux (chèvres, âne, cheval, poules, chat…) qui l’entourent au quotidien et plein de petites choses que j’ai souhaité garder pour moi.
Je vais essayer tout de même de retranscrire l’heure complète (!) d’échanges que nous avons eus, en étant concise et que ses propos soient respectés.
Alors, on arrive au bureau et on a des dizaines de mails au sujet de maltraitance. Des gens qui nous demandent de l’aide, sans parler de nos 300 refuges. Ils appellent au bureau et selon la période de l’année le sujet varie : les abandons, là c’était pour le statut juridique de l’animal, la nouvelle campagne qui arrive pour cet été… Ce sont des cas précis, sinon. Là il y a 60 chevaux qui ont été sauvés, il faut organiser leur transport, voir où les placer, juridiquement aussi être en accord avec le juge qui a ordonné ce retrait des chevaux à leur propriétaire qui les maltraitait, se porter partie civile pour essayer de faire condamner ce dernier. On a en moyenne dix cas par jour de ce type à traiter.
Sans parler des campagnes, sensibiliser la presse pour qu’ils fassent passer le mot (elle me montre la prochaine campagne qui va sortir bientôt, contre les abandons en période de pré grandes vacances). Contre les abandons, on a mis en place tout un tas d’outils pour accompagner les gens. C’est complètement gratuit, les gens peuvent l’avoir sur notre site internet : c’est le kit des vacances. Dedans vous avez le dictionnaire, conseils, petits jeux, cartes postales et médaille à accrocher au collier de votre chien ou chat. En plus de ça, vous avez l’application smartphone qui vous indique selon la région où vous partez, toutes les plages, hôtels et lieux qui acceptent les animaux. On apporte cette assistance pour que les gens n’abandonnent pas leur animal.
Par rapport aux chiffres officiels, on ne sait pas trop, quand j’ai commencé il y a des années, on parlait de quatre cent mille abandons. Maintenant on en est à soixante mille. Mais ce qui est horrible c’est les chats, car les gens croient qu’en jetant leur chat dehors, il va se débrouiller tout seul. Mais en fait, pas du tout ! Il y a aussi des hamsters et des furets qui sont abandonnés…
C’est là que je suis très triste de voir que c’est dans nos rangs qu’on nous critique le plus, qu’on se fait le plus attaquer. Il n’y a qu’à voir avec le statut juridique de l’animal (en apprendre plus) on a eu un consensus énorme de la part de tout le monde : députés, fondation Bardot, etc. Quand même : on fait accepter une évidence ! Cela fait plus d’un siècle qu’on attendait ça, l’animal n’est pas un meuble. Eh bien il n’y a que des associations de défense animale pour se plaindre que ce n’est pas assez. Ça c’est moche. Parmi ces gens, il y a des vegan et d’autres non.
L’homme est carnivore. Moi par exemple, je mange les œufs de mes poules : j’ai des poules de douze ans dans mon jardin. En dehors de ça, je n’aime pas la viande. En plus quand on voit des reportages horribles sur l’élevage intensif, où les vaches ne sont que de la chair vivante, enfermées dans des cages trop petites pour qu’elles bougent, mais quand on a vu ça on n’a même pas envie de manger de la viande !
Ce midi par exemple, je suis sortie m’acheter un sandwich végétarien et en terrasse des cafés ils étaient tous attablés avec de gros steacks devant eux, mais les gens sont en train de se tuer avec ça, c’est mauvais on le sait.
Mais là, critiquer le fait d’être vegan ou pas, c’est n’importe quoi. On est une énorme communauté de gens qui soutiennent la cause animale et c’est ça qu’il faut retenir. Bienvenue dans la protection animale : il faut prendre des coups ! (rires)
C’est un travail énorme, cela ne se fait pas comme ça du jour au lendemain. Il a fallu convaincre les députés, leur prouver par les faits et que surtout cela ne sert à rien de vociférer et s’énerver.
Pour l’histoire de la fourrure de peaux de chats et de chiens, j’étais partie en Chine avec une caméra cachée. Il y avait des tas énormes de peaux empilées… Vous imaginez votre chat, là ? Bon, on revient avec ces images en France, je suis allée voir les pouvoirs publics avec en ayant également découvert que ce commerce était arrivé en France : j’ai trouvé des manteaux en peaux de chats en boutiques à Paris ! Pour appuyer ces images, on a pris un chat vivant et on l’a posé ici même, sur mon bureau avec une peau de chat de la même couleur… Quelle horreur. Là, quand même, on a commencé à leur faire comprendre qu’on peut porter son chat en manteau, que c’est possible. À partir de là, il a fallu huit ans pour arriver à faire interdire ce commerce en France. Pour ça, il a donc fallu aller chercher les preuves, faire des analyses ADN, prouver que c’est bien une peau de chat ! Sinon ils ne nous croyaient pas.
La même chose s’est passée en Suisse : trafic de peaux de chats ! Évidemment, ils ne font pas partie de l’Union Européenne. Du coup à nouveau on recommence, je suis allée voir le président de la Confédération Suisse… Tout ça pour dire que c’est un énorme combat et qu’il y a des moments où on nous déteste.
C’est génial ! Depuis 5-6 ans, les gens qui auparavant pouvaient dire « j’aime les animaux » sont beaucoup plus dans la démarche « j’aime les animaux, je veux agir, qu’est ce que je peux faire concrètement pour aider ? » Moi j’appelle ça la génération 30 Millions d’Amis. En ça les réseaux sociaux sont fabuleux, ils servent à mobiliser les gens. Il y a quelques années on était tous seuls, à se battre.
Par exemple, avec l’histoire de la fourrure de chats, on est allés dans les classes et les maîtresses ont mis au point tout un programme sur un trimestre. D’ailleurs nous n’allons pas les chercher, ce sont les maîtresses d’écoles qui viennent vers nous. Nous mettons tout en œuvre pour leur fournir ce qui leur faut. Il y a aussi l’Assemblée Nationale des enfants. Enfin, ce qui est primordial, c’est qu’il y a aussi des intellectuels qui se mobilisent. Il y a 25 philosophes, intellectuels, scientifiques qui parlent de nous et embrassent notre cause, donc les gens se disent tout d’un coup « Tiens ! C’est sérieux ». Ça a changé les mentalités.
On essaye juridiquement de faire au mieux, notamment contre l’expérimentation animale. Il faut que ce soit quelque chose qui viennent de l’Europe et on est très actifs, vis à vis des députés européens. Nous sommes en train de financer une méthode alternative pour créer de la peau. Mais c’est très difficile car les chercheurs ont accès à toutes ces vies, dont ils disposent comme ils veulent, il n’y a aucune réglementation. Par contre, nous n’avons aucun accès aux chiffres et on se demande pourquoi des milliers d’animaux donnent leur vie. Le modèle animal n’est pas bon. Par exemple les animaux supportent très bien l’arsenic alors que nous, nous en mourrons. Donnez du chocolat à votre chat et il en meurt, c’est du poison pour lui, alors que nous pouvons en manger sans problème.
C’est criminel pour eux de les utiliser mais également pour nous, car nous ne sommes pas faits pareil. Mais le fait d’avoir une émission à la télé depuis 38 ans aide aussi à en faire prendre conscience. Il y a quinze ans, ils ont voulu implanter une usine de reproductions de Beagle à Montpellier (le Beagle est une race de chiens avec une tête bien ronde, ils sont très gentils et ne mordent jamais), destinés aux expérimentations sur eux, en laboratoires. Le jour où on a diffusé les images de violence qui était infligée à ces pauvres chiens, notre pétition a atteint un million cinq cent mille signatures contre les tests en laboratoires sur les animaux.
On n’a jamais fini. Quand on a fini là, on a besoin de nous ici. Quand ce n’est pas le scandale de la viande de cheval, les animaux dans les cirques, c’est la maltraitance… Tous les jours il y a un truc qui tombe, avec internet en plus ceux qui se filment et partagent leur vidéo de violence. Il faut être prêt, envoyer nos avocats attaquer ces individus, créer des pétitions… Mais avec le statut juridique de l’animal modifié, j’espère que les peines vont être vraiment alourdies. Même si c’est un tout petit pas, on ne pourra plus juste leur mettre une petite amende ou un mois avec sursis : un animal n’est pas une chaise.
J’ai enregistré cette conversation grâce au Dictaphone Digital Voice Tracer 5000 PHILIPS offert par Olivia T.
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